Cornelius Castoriadis – La Nouvelle Revue d'Histoire https://www.la-nrh.fr L'histoire à l'endroit Wed, 04 Oct 2017 05:25:19 +0000 fr-FR hourly 1 Éditorial et sommaire du n°89 (mars-avril 2017) https://www.la-nrh.fr/2017/03/editorial-et-sommaire-du-n89-mars-avril-2017/ https://www.la-nrh.fr/2017/03/editorial-et-sommaire-du-n89-mars-avril-2017/#respond Wed, 15 Mar 2017 09:00:27 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=3592 Éditorial et sommaire du n°89 (mars-avril 2017)
Dans les dernières semaines de l’année 1917, personne n’était en mesure d’évaluer en occident les conséquences du coup d’État accompli à Petrograd par ceux que la presse parisienne désignait alors sous le nom de « maximalistes ».]]>
Éditorial et sommaire du n°89 (mars-avril 2017)

Octobre 1917 et l’histoire du XXe siècle. Éditorial de Philippe Conrad (NRH n°89. Dossier : 1917, la Russie en Révolutions)

Dans les dernières semaines de l’année 1917, personne n’était en mesure d’évaluer en occident les conséquences du coup d’État accompli à Petrograd par ceux que la presse parisienne désignait alors sous le nom de « maximalistes ».

Cette « minorité agissante », qui mettait en œuvre la stratégie imaginée par Lénine, ne semblait pas en mesure de se maintenir durablement au pouvoir, tant les masses paysannes russes demeuraient étrangères au discours ouvriériste des bolcheviques. L’habileté de Lénine consista à laisser entendre l’imminence d’un partage des terres attendu depuis si longtemps, condition nécessaire pour rallier au nouveau gouvernement provisoire un monde rural dont les éléments les plus avancés se reconnaissaient dans les socialistes révolutionnaires, méthodiquement liquidés à partir de l’été 1918.

NRH n°89

NRH n°89. Dossier : 1917, la Russie en Révolutions

Conduisant comme une guerre la conquête du pouvoir, les vainqueurs d’octobre furent ensuite en mesure, contre toute attente, de vaincre leurs adversaires dispersés et d’engager la mise en oeuvre d’une expérience « soviétique » appelée à durer. s’ouvrait alors le chantier qui devait voir la « construction de l’homme nouveau », dans une « patrie du prolétariat » propre à faire rêver une bonne partie des masses ouvrières européennes que la guerre avait écartées du socialisme démocratique et réformateur qui était en train de s’imposer à la veille de 1914.

Héritière de l’empire des tsars, l’union des républiques socialistes soviétiques, dont le nom officiel ne mentionnait même plus la Russie, se prétendait porteuse de « lendemains enchantés ». Mais les illusions se dissipèrent très vite et, si certains, en occident, s’accrochèrent au mythe de la révolution ouvrière inscrite dans la continuité des promesses progressistes issues des Lumières et de la Révolution française, les procès de Moscou et le Retour d’URSS d’André Gide (André Gide, Retour d’URSS, Gallimard, 1936, rééd. Folio, 2009) vinrent rappeler ce qu’était la réalité d’un régime dictatorial usant pour s’imposer de la terreur de masse.

Les immenses sacrifices consentis par l’union soviétique dans la lutte contre l’Allemagne hitlérienne lui valurent une certaine forme de réhabilitation, bientôt remise en cause par la révélation des crimes de Staline. Les performances économiques du pays, largement exagérées par la propagande, et les succès obtenus au tournant des années 1960 dans la conquête spatiale masquèrent encore pour quelque temps les échecs enregistrés dans l’accès du plus grand nombre au bien-être et le caractère hégémonique de la tutelle exercée sur les « peuples frères » des « démocraties populaires ». si les occidentaux demeuraient jusqu’aux années 1980 impressionnés par la puissance militaire du bloc de l’est, la « stratocratie » analysée avec inquiétude par le philosophe grec Cornelius Castoriadis, il nous apparaît pourtant aujourd’hui que son effondrement était largement prévisible. Ce qui l’était moins, en revanche, c’est l’étonnante capacité de résilience dont a su faire preuve la Russie à l’issue de la décennie 1990, qui a correspondu, pour reprendre une formule familière, « aux heures les plus sombres de son histoire » si l’on retient l’effondrement de puissance qu’elle connut durant cette période. une fois de plus, « intellectuels », « spécialistes » et « experts » ne manquèrent pas l’occasion de se tromper en imaginant que le pays pouvait faire table rase de son histoire, en s’inscrivant docilement dans le rôle de puissance secondaire qui lui était désormais réservé par le nouvel ordre mondial. L’aveuglement qui avait prévalu chez beaucoup, quand ils imaginaient l’URSS porteuse de tous les espoirs de justice et de progrès, ne cessa pas après 1991. depuis vingt ans déjà, la révélation du goulag par Alexandre Soljenitsyne et les actions des dissidents avaient pourtant fragilisé un système en sursis, mais la prise de conscience avait été pour beaucoup bien tardive.

La vision aujourd’hui convenue de la nouvelle Russie, telle que l’incarne un Vladimir Poutine, risque tout autant de faire sourire les historiens et les observateurs de l’avenir. La diabolisation de la « démocrature » poutinienne, pour reprendre un néologisme à la mode, et la confusion entretenue avec le temps de la guerre froide n’aident guère à l’analyse des choses. Les donneurs de leçons d’aujourd’hui feraient bien de méditer les mensonges et les erreurs de leurs prédécesseurs d’hier. L’intelligence des véritables ressorts de la révolution d’octobre peut contribuer à cette entreprise salutaire.

Philippe Conrad

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Éditorial et sommaire du n°80 (septembre-octobre 2015) https://www.la-nrh.fr/2015/09/editorial-et-sommaire-du-n80-septembre-octobre-2015/ https://www.la-nrh.fr/2015/09/editorial-et-sommaire-du-n80-septembre-octobre-2015/#respond Tue, 01 Sep 2015 08:00:42 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=2061 Éditorial et sommaire du n°80 (septembre-octobre 2015)
Posée en 1970 par Andreï Amalrik, la question de la « survie de l’URSS en 1984 » n’apparaissait alors guère pertinente aux analystes des relations internationales.]]>
Éditorial et sommaire du n°80 (septembre-octobre 2015)

Une fin d’Empire inattendue

Posée en 1970 par Andreï Amalrik, la question de la « survie de l’URSS en 1984 » n’apparaissait alors guère pertinente aux analystes des relations internationales. Malgré le succès de librairie rencontré en 1978, L’Empire éclaté (1) d’Hélène Carrère d’Encausse n’emportait pas la conviction des experts en soviétologie. Les années 1970 avaient même vu les Soviétiques marquer des points dans la confrontation Est-Ouest. La conférence d’Helsinki avait confirmé les frontières européennes établies à l’issue de la Seconde Guerre mondiale et ouvert avec l’Occident une coopération économique et financière favorable aux intérêts de Moscou.

La « troisième corbeille » des accords débouchant sur la détente prévoyait bien la libre circulation des hommes et des idées, ainsi que le respect des « droits de l’homme », mais la nomenklatura dirigeante ne s’inquiétait guère alors de ces concessions jugées purement formelles. Les années suivantes virent les Soviétiques poursuivre leur montée en puissance sur le terrain militaire et s’installer dans des régions du monde – au Vietnam, en Afrique, dans l’océan Indien – demeurées jusque-là pour eux hors de portée.

Quelques fissures apparaissent bien dans le glacis est-européen de l’Empire, notamment en Pologne, mais l’équilibre de la terreur nucléaire empêche toute remise en cause du statu quo. La « stratocratie (2) » soviétique, définie par Cornelius Castoriadis, poursuit, face à l’Europe occidentale, le développement d’un appareil militaire conventionnel impressionnant. Dans le même temps, l’amiral Gorchkov dote son pays d’une puissance navale projetable dans le Pacifique et l’océan Indien. L’Armée rouge rencontre certes des difficultés en Afghanistan mais il ne s’agit là que d’un conflit périphérique ne mobilisant pas des forces considérables.

Les échecs économiques sont bien réels, de la faillite de l’agriculture collectivisée à la productivité insuffisante du secteur industriel et à la généralisation du marché noir. L’URSS n’en demeure pas moins une grande puissance pétrolière et son complexe militaro-industriel apparaît tout à fait efficace. Sa présence dans l’espace témoigne également du maintien de son niveau scientifique et technique. L’espérance d’Octobre s’est dissipée mais l’homo sovieticus décrit par Zinoviev s’accommode très bien du mensonge d’État et le patriotisme forgé lors de la Grande Guerre patriotique demeure une valeur sûre. Les minorités nationales aspirent à être reconnues mais n’ont guère la possibilité de se manifester et l’Empire ne paraît guère menacé.

La succession de Brejnev ouvre la voie à tous ceux qui entendent sortir le pays de la « stagnation ». La mort d’Andropov ne lui laisse pas le temps d’engager les réformes nécessaires, mais le jeune Mikhaïl Gorbatchev semble en mesure de relever le défi. En libéralisant le système politique sans réaliser les restructurations économiques nécessaires, tout en faisant preuve de beaucoup de naïveté vis-à-vis de ses interlocuteurs occidentaux, il va être le fossoyeur de l’URSS et rater complètement la « sortie du communisme » que les dirigeants chinois vont, pour leur part, mener à bien.

Le soulagement engendré par la fin de la guerre froide, la réunification pacifique de l’Allemagne et la dislocation d’une URSS encore menaçante quelques années plus tôt ont fait que les opinions occidentales ont ressenti comme une victoire ce qui n’était en fait que l’échec inéluctable d’un système communiste qui, au lieu de réaliser l’utopie sociale annoncée, n’avait apporté que la dictature et la pénurie.

La période qui a abouti à la disparition de l’une des deux « superpuissances » mérite aujourd’hui d’être méditée car, derrière l’image que donne un Occident sûr de lui et dominateur, il est aisé de déceler de multiples fragilités. Celles d’un monde livré à une spéculation financière génératrice de crises à répétition, un monde de surveillance généralisé soumis à une nomenklatura politico-médiatique prêchant la pensée unique et obligatoire, un monde qui découvre que la « globalisation heureuse » signifie la disparition des classes moyennes, l’accroissement des inégalités et la perte des identités collectives…

Un quart de siècle après l’écroulement de l’empire soviétique, les révoltes qui grondent nous montrent que cet événement n’a pas signifié, comme le croyait Francis Fukuyama, la fin de l’histoire…

Philippe Conrad

Notes

  1. Flammarion, 1978.
  2. Stratocratie : système politique dirigé par l’armée.
Courrier des lecteurs
Éditorial

Une fin d’Empire inattendue. Par Philippe Conrad

Actualité
  • La caméra explore l’histoire. Autant en emporte le vent. Par Philippe d’Hugues
  • Le billet inattendu de Péroncel-Hugoz. Un “Saint-Malo musulman” : Mogador
Portrait

François Ier. Le cinquième centenaire. Entretien avec Didier Le Fur. Propos recueillis par Jean-Joël Brégeon

Découvertes
  • Cicéron ou la fin de la République romaine. Par Emma Demeester
  • Les Suisses au service de la France. Par Nicolas Vimar
  • Du bon usage de la politesse. Par Anne Bernet
  • Vichy et la réforme de l’école. Par Yves Morel
  • Christianisme et islam au milieu du XXIe siècle. Par Gérard-François Dumont
Jeu

Cicéron et son temps

Dossier. 1985-1991. La fin de l’illusion soviétique
  • Présentation du dossier.
  • L’URSS. De Staline à Gorbatchev. Par Jean Kappel
  • L’état des lieux en 1985. Par Pascal Cauchy
  • Andropov pouvait-il sauver l’Union soviétique ? Par Jean-Pierre Arrignon
  • 1975-1991. Un contexte international incertain. Par Christophe Réveillard
  • La dissidence et ses limites. Par Philippe Conrad
  • Le KGB en 1985. Le sommet avant la chute. Par Gaël Moullec
  • Les scénarios imaginés pour la fin de l’URSS… Par Pascal Cauchy
  • Gorbatchev engage la perestroïka. Par Gaël Moullec
  • Tchernobyl : un accident soviétique. Par Gaël Moullec
  • La perestroïka et l’indépendance des Pays baltes. Par Tatiana Zazerskaïa
  • La Transcaucasie face au défi de la perestroïka. Par Tigrane Yégavian
  • La Russie d’Elstine à Poutine. Par Jean Kappel
  • Le regard russe sur la fin de l’URSS. Par Jean-Pierre Arrignon
  • Révolution conservatrice au Kremlin. Par François Bousquet
Livres

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